A Ramallah, les palestiniens husseinistes "offrent" une rue à leur ami
Jacques Chirac
LE MONDE | 18.04.07 | 15h14 • Mis à jour le
18.04.07 | 15h14
RAMALLAH ENVOYÉ SPÉCIAL
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l
y avait déjà une rue Charles-de-Gaulle à Gaza, il y aura
bientôt une rue Jacques-Chirac à Ramallah.
L'annonce a été faite, mardi 17 avril, par le président
palestinien, Mahmoud Abbas, de passage à Paris pour rendre
hommage à l'action de son homologue français au
Proche-Orient avant son départ de l'Elysée. "Chirac
a toujours été un fervent supporteur de la Palestine et d'Abou
Ammar (le nom de guerre du défunt Yasser Arafat)",
explique Jeannette Mikhaïl, maire de Ramallah, qui est à
l'origine de cette initiative. "Il a été le premier
président européen à visiter notre ville, en 1996, et le
premier aussi à s'exprimer devant le Parlement. Nous avons
donc décidé de l'honorer en donnant son nom à l'une des
principales artères du centre-ville", ajoute-t-elle.
Le chef d'Etat français conserve une place à part dans le
coeur et l'esprit des Palestiniens. Plus de dix ans après,
tous se souviennent avec jubilation de l'algarade qui l'avait
opposé, lors de ce premier voyage, au service d'ordre israélien
dans la vieille ville de Jérusalem et du fameux "do
you want me to go back to my plane" lancé à
l'adresse des policiers qui le serraient de trop près à son
goût.
A ce coup de menton, passé en boucle sur toutes les chaînes
de télévision arabe, s'ajoutent les navettes des diplomates
français à la Mouqata'a, le siège de l'Autorité
palestinienne, même à l'époque où son hôte y était assiégé,
le refus farouche de la guerre en Irak, l'hospitalisation
d'Arafat en banlieue parisienne, le recueillement de Chirac
devant sa dépouille, ainsi que les honneurs officiels rendus
sur l'aérodrome de Villacoublay avant le rapatriement du défunt
raïs en Palestine.
Autant de gestes, de coups d'éclat, qui même s'ils n'ont
pas toujours été suivis d'effets, ont touché la fibre
sentimentale et nationale palestinienne. "Les gens
d'ici qui ne connaissent rien à la politique intérieure de
Chirac ont été sensibles à son humanité et à ses efforts,
plus importants que de nombreux pays arabes, pour mener une
diplomatie indépendante des Etats-Unis,explique
Majdi Al-Malki, politologue à l'université de Bir Zeït. L'émotion
est d'autant plus forte que notre place sur la scène
internationale s'est considérablement réduite et que nous
craignons que celui ou celle qui succédera à Chirac soit
beaucoup moins entreprenant."
Dans la classe politique, les hommages se succèdent, sur
un ton qui frise le dithyrambe. Le quotidien Al-Ayam
consacre une page entière à "cet ami courageux et
exceptionnel que vont perdre les Palestiniens", en
recueillant les souvenirs de Nabil Chaath et Ahmed Qoreï,
respectivement ministre des affaires étrangères et président
du Parlement du temps d'Arafat. "Lors des négociations
de Camp David (à l'été 2000), Chirac a refusé de
faire pression sur Arafat comme Clinton le lui avait demandé",
raconte M. Chaath.
Dans le journal Al-Qods, Bassam Abou Charif, ancien
conseiller d'Abou Ammar, en appelle à un nouveau mandat de
Chirac, "ce géant". "La France ne
sait pas qui choisir, écrit-il. Petit à petit, les
Français se rendent compte qu'il n'y a pas d'alternative au
président Chirac."
Même Ahmed Youssef, le conseiller du premier ministre issu
du Mouvement de la résistance islamique (Hamas) Ismaïl
Haniyeh, joint par téléphone à Gaza, s'extasie sur ce "super-homme
politique, unique dans ses convictions". Quid de l'après-Chirac
? Dans Al-Ayam, M. Qoreï promet : "Nous ne
changerons pas notre position à l'égard de la France."